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  • Photo du rédacteurIness Hamou Aldja

Homme à tout faire, moins que rien : portrait d'un clandestin.

4400. C'est le nombre de migrants morts ou disparus en mer en 2021, sur le chemin de leurs rêves à l'eldorado selon le lourd bilan d'une ONG espagnole. Ils tentaient tous de rejoindre l’Europe au péril de leur vie. Faudel a eu de la chance. Il fait partie de ceux qui sont arrivés à bon port. C'est à 24 ans qu'il quitte Alger pour Marseille au prix de sa vie. Et aujourd'hui, à 39 ans, c'est la désillusion.

Pénurie d'emplois, fuite des cerveaux.

Diplômée d'un Master en Orthophonie à l'université de Bab Ezzouar à Alger, Faudel cherche désespérément un premier emploi pendant 2 ans. Le néant. Ses qualifications ne suffisent pas à lancer sa carrière pour le peu de débouchés. Noyé dans ses déboires, ne parvenant plus à garder la tête hors de l'eau, il prit une décision. S'en aller. Le seul moyen pour lui de trouver un emploi, c'est d'aller le chercher ailleurs. Cette fois-ci, il ne reviendra pas. C'est un départ sans adieu, pour que sa famille n'intervienne pas dans sa décision. Par le biais de passeur, en petite barque, entre les wagons de trains, il finit par arriver en France. Sur son téléphone, il garde des photos, dans la nuit, cachée dans une mare glacée avec un soldat à ses trousses, à tout juste un mètre de lui. Armé, il aurait pu y laisser sa vie, mais il a « évité le pire, l'aller sans retour vers l’Algérie » dit-il le visage tiraillé par la fatigue. « En Algérie, le SMIC est de 100 dinars. Achetez un tacos, il vous coûtera 10 dinars. En 10 jours, le salaire, n'est plus. En France, on me donnait 20 euros par jour. » Les mains abîmées par le temps, sèches, noircis par le travail, il sert les poings.


Faudel : le couteau suisse algérien.

Timidement, Faudel nous ouvre les portes de ce qui est devenu pour lui depuis 5 ans : sa prison dorée. Salle de fête en soirée, salle de repos la journée. Lieu de vie et de travail, il ne sort jamais du 15e arrondissement de Marseille. Il y vendait quelques objets récupérés dans les rues et y dormait. Mais aujourd’hui, c’est l’ascension. Un matelas à même le sol et le bruit des couverts en fond, constitue sa chambre pour les quelques heures où il ne travaille pas. Parmi les tâches accomplies : le gardiennage, le ménage, la peinture, la plomberie. Jour comme nuit, il est missionné à l'entretien de la salle, c'est un agent à tout faire. De commis en cuisine, en passant par agent de réception et serveur : Faudel est multitâche. Puisqu'on ne l'attendait pas pour ses qualités intellectuelles, il développe des qualifications manuelles. En riant, il dit « Je définirai ma profession actuelle comme couteau suisse, algérien.» D'autres harraga, le prennent en raillerie et lui proposent de vendre des cigarettes, de la drogue, ou d'être guetteur ; mais, il a dit NON à l'argent facile !


Son prénom signifie ''honnête'', une valeur qui lui est chère. Lors de ses recherches d'emploi, on le renvoie à une image de délinquant. Il conteste : « Vous pensez que j’irai risquer la prison, alors que pour arriver en France, j'ai abandonné mes parents. Je me suis cramponné sous un camion, entre les roues, pour dépasser la frontière. J'ai marché jusqu'à en saigner.» en quête de liberté.

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